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Foyer d’hébergement

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Toute collectivité est un cercle vertueux théorique selon lequel l’épanouissement d’un groupe profite à ses individus, et dont, réciproquement, l’épanouissement de ces derniers profite au premier en retour. Dans le cadre du logement collectif, la mission des architectes consiste à transformer le théorique en pratique.
On peut comparer la conception d’un logement collectif à la construction d’un mur en pierres :  sa qualité dépend autant des pierres choisies que de la pose des unes par rapport aux autres. Dans notre cas, la qualité de notre projet repose à part égale sur :

  • la qualité des habitations
  • la qualité de la cohabitation

En ce qui concerne l’implantation urbaine, après avoir défini un gabarit global pour les logements, nous avons décidé de les mettre à distance des voies publiques pour réduire les nuisances et donner de la noblesse au bâtiment en traitant l’espace en front d’immeuble comme une place publique. La parcelle disposant de quatre côtés dont deux adjacents (Sud et Ouest) donnent sur une voie publique, nous avons disposé le bâtiment selon deux ailes perpendiculaires formant un L le long des deux côtés opposés Nord et Ouest.

Les surfaces demandées combinées au règlement urbain local fait que l’ensemble est nécessairement organisé en R+1. Si l’étage est entièrement dédié aux logements, le rez-de-chaussée quant à lui est partagé entre des logements et les services annexes, lesquels sont répartis comme suit : l’administration et la laverie dans la partie Sud, et les locaux techniques dans la partie Nord. La laverie, accessible au public, est placée à l’extrémité Sud pour un accès direct depuis la rue. Nous utilisons ces locaux annexes pour en faire une « ceinture de services » en relation directe avec la place, ce qui facilite les usages et la maintenance. L’avantage de cette organisation est d’offrir une véritable intimité aux logements du rez-de-chaussée en les disposant sur l’arrière, ce qui permet à chacun d’entre eux de bénéficier d’un jardin privatif.

L’entrée de l’immeuble se trouve naturellement à l’articulation entre les deux ailes, sur l’angle Nord-Ouest de la place. Par sa disposition en forme d’équerre, le bâtiment embrasse l’ensemble des accès depuis les voies publiques en présentant un caractère ouvert et accueillant. Cette entrée centrale est celle qui permet les accès les plus courts et les plus directs aux appartements. Deux autres accès par les extrémités Nord-Est et Sud-Ouest restent envisageables sous réserve d’un contrôle d’accès. Par le biais des jardins, nous offrons aussi la possibilité d’un accès privatif direct depuis l’extérieur à onze des trente logements, soit plus d’un tiers d’entre eux. Ne sachant pas comment le bâtiment pourrait évoluer dans le futur, nous veillons par principe à le concevoir avec une flexibilité maximale.

L’articulation centrale est aussi le lieu stratégique que nous avons choisi pour implanter les espaces collectifs partagés. Au rez-de-chaussée, contigu au hall d’entrée et donnant sur la place, se trouve la salle polyvalente, en double hauteur. Visible depuis les circulations du rez-de-chaussée comme de l’étage, elle est un point de repère dans le bâtiment mais aussi une vitrine de la convivialité du lieu. À l’étage, nous avons pris la liberté d’offrir un autre espace de sociabilité sous la forme d’une terrasse collective centrale de 50 m2, diagonalement opposée à la place, en toute intimité à l’abri des regards.

Une fois que la structure collective de l’ensemble est mise en place, se pose la question des structures individuelles : les appartements. Bien que ces derniers ne mesurent « que » 30 m2, ils n’en soulèvent pas moins plusieurs sujets de réflexion.
D’abord, la surface de 30 mètres carrés est particulière : après déduction de la salle de bain et d’une zone d’entrée, elle reste trop grande selon nous pour faire une seule pièce et trop petite pour en faire deux. Alors nous avons conçu une forme hybride, issue d’une seule pièce rectangulaire que nous avons commencé à scinder en deux parties puis décalé l’une par rapport à l’autre. Il en résulte une silhouette en « nœud papillon » qui distingue clairement deux zones sans les séparer complètement. Cet aménagement n’est plus vraiment une pièce, mais pas tout à fait deux non plus. À vrai dire, l’espace deviendra ce que son habitant décidera d’en faire parmi de multiples occupations possibles.

L’ avantage principal de cette surface en « nœud papillon » est la nette augmentation de la surface ressentie. En effet, avant déformation, le rectangle de base dispose d’une diagonale de 7 m contre 9 m après.

La diagonale de 9 m correspond à celle d’un rectangle de 40 m2 contre 25 m2 au départ ! Si la surface est identique, elle paraît incontestablement plus grande, ce qui est une première amélioration sensible de la qualité du logement. En outre, le glissement des surfaces que nous opérons offre une façade en créneaux, laquelle donne à chaque appartement au moins deux orientations comme le montre la perspective sur notre rendu.

Un autre critère de qualité du logement est son rapport à l’extérieur. Si cet aspect était secondaire il y a encore peu d’années, chacun sait qu’il est devenu primordial depuis la crise du COVID. L’expérience des confinements nous a prouvé le caractère indispensable d’une terrasse ou d’un balcon lorsque l’on vit en appartement. Dans les faits, nous avons surtout constaté les effets délétères de leur absence sur notre équilibre mental et psychologique et nous savons que cet équilibre peut être plus sensible chez les travailleurs en ESAT.

C’est la raison pour laquelle nous avons conçu des terrasses d’environ 9 m2 pour chaque appartement. La surface a été étudiée afin d’être utilisée comme « une pièce extérieure en plus », assez grande pour pouvoir y installer deux chaises longues, un appareil de gymnastique, un barbecue, ou une table pour déjeuner, etc… bref permettre aussi de vivre dehors. L’encastrement de ces terrasses dans la façade les rend accessibles depuis les deux espaces de vie des appartements. Leur retrait assure une véritable intimité à leurs usagers. Cependant, pour faire aussi des terrasses un possible lieu de bavardage entre voisins, nous avons fait dépasser celles-ci de 80 cm de la façade.

Ce jeu de pleins, de vides et de garde-corps saillants rythment la façade en la préservant de la monotonie. La perspective révèle toute la profondeur des terrasses et suggèrent l’intimité qu’elles préservent. Les matériaux choisis quant à eux sont là pour exprimer une certaine noblesse et une certaine chaleur domestique entre les garde-corps anodisés et le bardage en bois brut. Les soubassements et les pignons sont traités avec un enduit couleur pierre anti-graffitis.  

Pour le confort d’usage des résidents, nous avons conçu les quelques aménagements intérieurs suivants :

Les appartements n’étant pas grands, une kitchenette peut rapidement devenir visuellement envahissante. A l’inverse, nous savons que certains résidents n’en n’auront délibérément pas l’usage. Dans tous les cas nous avons conçu un volet roulant encastré en partie haute qui permet de fermer la cuisine jusqu’au plan de travail (voir perspective). Le résident garde donc accès à son frigo et à des rangements même si le rideau est baissé.

En ce qui concerne la personnalisation des appartements par la couleur, plutôt que de ne laisser qu’un mur à peindre comme le propose le programme, nous avons réservé un volume complet, composé de deux murs et un plafond surélevé pour un ressenti plus immersif, comme on peut le voir sur notre perspective.

Le dernier point que nous avons veillé à soigner pour la qualité de vie des résidents, est le rapport au voisinage. Sans aller jusqu’à citer Jean-Paul Sartre pour qui « L’enfer, c’est les autres », nous avons réfléchi à la façon de réduire les nuisances entre les appartements. Ces derniers sont naturellement contigus entre eux et mesurent 6 mètres de profondeur. Grâce à notre système de décalage du plan, nous réduisons la longueur de la paroi contiguë à seulement 3 mètres, et encore, celle-ci sépare une pièce de vie de la zone d’entrée de l’appartement voisin. Ainsi, qu’il s’agisse de l’usage intérieur ou extérieur, ce projet s’attache à préserver à parts égales la qualité de vie des individus autant que celle de la collectivité.

Année :

2024

Lieu :

Outreau (62)

Programme :

Foyer d’hébergement

Calendrier :

Concours janvier 2024

Maîtrise d'ouvrage :

E.P.D.A.H.A.A.

Coût :

4 422 000 € HT

Superficie :

1 700 m2 SDP

Copyright : Jean-Jacques Begel / Paul Le Quernec
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